mais quel minable, mathis,
beaucoup trop influençable, manipulable – mais point détestable, puisqu'il est une proie. victime de sa propre naïveté.
il impressionne même sa mère quand il lui dit qu'il va s'en aller voir un nouvel ami ; maman sourit, reprend des couleurs face à cette nouvelle.
mais mathis lui, il ignore, il veut fuir cette ambiance soudainement trop gênante. car sache-le swann,
que ce n'est pas pour tes beaux yeux qu'il compte prendre ce risque de sortir.
ce n'est ni pour lui d'ailleurs – c'est pour elle, sa mère qui, malgré sa malédiction, retrouve des lueurs d'excitation dans ses prunelles bleues, quand elle apprend que son fils,
a un "ami".
mathis soupire d'un soulagement presque terrifiant ; pour une fois qu'il a l'occasion de rencontrer cette qui pourrait le sauver,
enfin, la sauver.
une pochette à dessin coincée sous le bras, ainsi qu'un sac pendu à son épaule, il revisse correctement son béret sur sa tête blonde,
puis c'est parti pour sa destination.

et là,
c'est l'angoisse,
car il ne sort que très rarement pour voir du monde – il s'en rongerait presque ses pauvres doigts, déjà si maltraités, et encore ces derniers temps, il n'est pas si stressé par le fait de se sociabiliser ; en même temps,
il prend toujours la fuite,
si vite.
il regarde sa montre accrochée à son poignet, et cela le rassure de se dire qu'il n'a pas de retard – il n'aime pas cela,
c'est malpoli, le respect c'est important non ? pour réussir à vivre correctement en société ?
il s'en mord la lèvre soudainement à cette pensée fâcheuse,
merde.

il aurait dû en rester là,
sur ses premiers messages envoyés...

arrivé devant l'endroit indiqué, mathis voit ta silhouette charismatique, et si familière.
bien sûr qu'il te connaît – il te connaissait même, bien avant que toi, tu ne le connaisses... et c'est étrange que tu veuilles autant insister à voir mathis ainsi.
normalement, dans ce genre de cas,
ce n'est pas plutôt l'inverse ? non, car cela l'importe peu.

- bonjour... je suis... ravi aussi...
c'est soufflé,
avec une certaine hésitation qui fait vibrer ses lippes ; il les humidifie d'un coup plutôt lent et mécanique de langue.
ses yeux se baladent ailleurs, parce qu'il veut esquiver tes prunelles pétillantes, t'esquiver,
fuir ton regard.
allez, qu'est-ce que tu comptes lui dire, qui pourrait le rendre encore plus naïf,
qu'il ne l'était avant ?

sa bienfaitrice ne viendra pas. alors une douce déception se peint sur son visage.
- ah...
sa tête se balance doucement pour acquiescer, pour te faire comprendre qu'il n'est pas si dérangé que cela,
(un peu tout de même, mais il ne veut pas le montrer, non,
il ne veut pas gâcher l'effort qu'il a fait, de venir ici, jusqu'à toi)

- c'est pas très grave.
mais peut-être que le pire dans cette histoire,
c'est qu'il te croit. c'est qu'il gobe ton mensonge.
- tu veux qu'on aille boire quelque chose ? il y a un café assez sympa à côté.
il serre son sac et son carton à dessin contre lui,
puis il baisse les yeux, beaucoup trop intimidé. il ne sait pas comment se comporter maintenant.

enfin,
il ne l'a jamais su.

désolée maman,
mais ça ne sera pas pour aujourd'hui.
l'ombre d'un sourire se peint au coin de ses lippes rosés. mathis te sourit, pour que tu ne te sentes pas désolé.
ce n'est pas censé être de ta faute ; pourquoi forcer avec la politesse, alors ? il n'en sait rien, car il n'a toujours pas compris qu'il est tombé dans ton piège – peut-être un peu égoïste –
mais,
peu importe ; il ne saura jamais que tu as menti. et même si un jour il l'apprend, il ne s'énervera pas,
mathis ressent rarement une once de colère ; hormis si c'est son père.
alors pourquoi tu t'inquiètes, swann ? ton plan a si bien fonctionné...

oh ?
maintenant, tu souhaites l'inviter ?
(comme pour te faire pardonner)
mais tu sais, être trop gentil sans aucune raison, cela pourrait éveiller les doutes, les soupçons.
certes,
mais heureusement que la naïveté de mathis, est tellement maladive, qu'elle en devient un défaut, qu'il n'a jamais réellement remarqué.
à quoi bon ? mathis ne remarque déjà pas les autres – alors, se remarquer lui-même, cela reviendrait aussi à se voir comme quelqu'un de différent.
alors, il reste comme il est, il ne fait pas attention.

- ton pays...
oui, il sait d’où tu viens, il a dû l'entendre, deux ou même, trois fois, dans l'une des tes vidéos ;
tu sais, celles où tu t'amuses; où tu joues ton propre rôle – dont mathis n'a jamais réellement porté d'attention. peut-être que ton optimisme à toi,
il ne s'y attache pas, car peut-être qu'il est f a u x. alors ce serait avec une bonne intuition que inconsciemment mathis,
t'esquive, t'évite,
te fuit.

puis, quand tu poses cette question – plutôt sans intérêt selon mathis – il te suit, docilement, comme quelqu'un de poli,
(bon sang)
alors d'un air un peu absent il te répond :
- je suis français avant tout.

pardonne-le,
il a encore la gorge serrée quand on lui rappelle ses origines,
celles qui lui font trop penser à son paternel ; car ce dernier a décidé de reprendre sa carrière de médecin militaire,
de quoi rendre l'atmosphère un peu trop contrastée ; entre une âme lumineuse, et une âme tellement peureuse.

arrivés devant le café, il hoche la tête pour répondre positivement à ta question.
ses bras le démangent, car il n'a pas envie que ce rendez-vous l'arrange,
puisqu'il n'a pas pu voir celle qu'il voulait...

en réalité, il est à moitié content,
et c'est surtout parce qu'il sait qu'il va prendre une bonne tasse de thé et que c'est toi qui va payer.
mathis s'installe sur un siège confortable, se situant contre un mur.
il a l'air si rêveur.
et oui, il rêvasse, même quand il est accompagné. personne ne l'empêchera de rêver...
- je vais me prendre du thé.
souffle t-il d'une innocence son nom.
- si tu aimes bien le café... il paraît que leur caramel macchiato est très bon. je ne l'ai jamais goûté, je n'aime pas le café... mais tu devrais essayé, si tu n'es pas comme moi...

quelle incertitude.
car c'est vrai, mathis n'est jamais satisfait du monde qui l'entoure, parce qu'il recherche, sans réellement s'en rendre compte,
quelqu'un qui pourrait un peu le comprendre,
quelqu'un qui pourrait un peu lui ressembler.

c’est une fierté pour lui d’être né à paris,
là-bas, il y a ses souvenirs ; cette ville-là, que tu idéalises, aussi. il a entendu ton murmure, et il en a sourit.
parce que c’est beau de rêver,
comme lui il rêve.
(un premier point en commun)

mathis est agréablement installé, il savoure les bonnes odeurs de l'endroit ; chocolat, pâtisserie ; et même s’il n’aime pas le goût du café,
il avoue parfois que son parfum est plutôt délicieux.
savoureux – dommage que son amertume coupe toute la magie de cette senteur puissante et tendre.
puis, quand il t’entend dire que tu n’aimes pas cela, ses paupières papillonnent de surprise. pourtant, en général, presque tout le monde boit du café,
papa, maman,
serena, sa chère amie ; il s’est toujours senti seul (comme toujours) à partager un tel goût.
puis, tu es arrivé,
et tu as posé, tout naturellement
(un deuxième point en commun)
sur la table, où mathis glisse et croise ses bras pour t’observer.
t'analyser.

un moment calme – et c’est étrange, toi tu as l’air un peu plus différent ; où est passée ton énergie ?
elle existait encore il y a quelques minutes,
tu es si assagi ; que mathis en rougit presque d’étonnement.
mais il ne dit rien, non, il se tait toujours. il constate.
jusqu’à ce que les boissons réchauffantes arrivent devant leurs yeux ; une expression sincèrement satisfaite se peint sur son visage :
son sourire est entre l’immaturité et l’innocence des anges… ce tableau-là, ce n’est pas lui qui l’a peint,
c’est la nature elle-même.
(tu sais, celle qui l’admire autant)
ton appareil photo sort de sa cachette et sa curiosité s'empare aussitôt de son attention ; oui, maintenant, il porte un grand intérêt pour toi.
sans s’en rendre compte, il semble aller bien.

aller mieux.

bien sûr qu’avec un tel complètement,
le cœur de mathis a raté très certainement un battement ; il ne s’y attendait pas. mais c’est vrai, il t’a vu le suivre la dernière fois, sur tous les réseaux sociaux.
d’un autre côté, il se sent flatté,
de l’autre… tellement gêné.
- ah… euh… je te remercie, c’est gentil.
ses doigts se frottent entre-eux pour éviter qu’il se les mette en bouche,
pour les faire souffrir,
encore et encore ; ses pauvres petites mains, qui n’ont rien demandé.
- je fais des études en journalisme, et ma spécialité c’est la photographie. du coup, je m’occupe des photos du journal de l’académie fourside…

te confier sa vie, il ne l’aurait jamais imaginé ; alors, perturbé par ce soudain changement, il n’ose plus rajouter un seul mot, de peur de te déconcentrer pour la prise de ton nouveau cliché.
il regarde alors la photo, les lippes qui forment un petit cercle pour prouver sa surprise, et qu’il n’est plus tellement intimidé,
un peu, tout de même, mais plus à l’aise.
enfin.

- j’aime la simplicité. le cadrage est un petit peu audacieux, donc j'apprécie bien… c’est une bonne promotion.

(et le troisième point en commun)
mathis va se dire à un moment, qu’il ne va plus les compter ; cela ne sert plus à rien, parce qu’il a au fond de lui,
le sentiment d’avoir trouver un nouvel ami.

tu lui offres encore un compliment, alors un rire très vague sort de ses lèvres pincées. il secoue vivement sa chevelure décolorée,
puis il regarde ailleurs, touché.
- je ne fais pas ça pour être populaire… c’est une passion avant tout.
il se redresse ensuite, les prunelles plus courageuses de te croiser enfin.
non, il ne va pas fuir cette fois,
c’est terminé.

parce qu’il t’a trouvé.

- dis…
un peu hésitant, il plisse ses lippes un peu sèches, alors il les humecte rapidement.
- je pourrais te prendre en photo ?
j’aimerais quand même immortaliser ce moment.

comme toujours,
mathis ne veut pas oublier.

puis tu montres ton intérêt pour lui ; et il est si naturel.
d'habitude, quand quelqu'un s'intéresse à mathis, c'est souvent pour avoir quelque chose en retour – alors il fuit ; il préfère poser un mur devant lui, impénétrable – même si lui, il restera toujours autant manipulable.
il n'aime pas être en compagnie de ses opposés ; et les seuls qu'il tolère se font rares ; si rares,
que même lui n'est plus si sûr d'en accepter d'autre dans sa vie.
pourtant, comme tu es étrangement calme depuis avant, mathis retrouve doucement une certaine confiance envers toi.
finalement ce n'était pas une si mauvaise idée de venir ; et peu importe s'il n'a pas pu voir la futur sauveuse de sa mère.

parfois, il ferait mieux de penser à lui.
solitaire,
mais pas si égoïste.

mathis sort alors de son sac, une petite revue en papiers recyclés ; le journal de son université ; enfin, ce n'est qu'un simple prototype,
dans sa promotion, il est important de faire correctement son travail, pour que l'ensemble des étudiants, et même des habitants de la baie, soient fiers.
il glisse le journal devant toi et attrape sa tasse de thé bien chaude pour en prendre une grande gorgée.
- c'est le numéro de ce mois.
sa main se tend jusqu'à la première page et il te montre délicatement avec son index,
une photo de la forêt weaversong, prise directement sur l'océan.
- cette photo, par exemple, je l'ai prise.
de toute façon y'a mon nom sur la plupart d'entres elles.
avoue t-il avec une innocence assez réchauffante ; il hausse ensuite légèrement ses épaules lorsqu'il réfléchi au fait de te l'offrir, ou non.
puis, tant pis, après tout, son équipe a déjà imprimé les versions déjà terminées.
- tu peux le garder.

mathis boit à nouveau son thé, laissant ses lippes se plisser lorsqu'il te voit heureux ;
il se demande ce qui pourrait te rendre si satisfait, sans que tu en fasses trop, comme avant.
il a l'impression de côtoyer un autre que toi.
il ne dit rien quand tu lui parles de son travail ; à vrai dire, mathis quand il peint, il ne travaille pas,
non.

il se fait plaisir.

mais il sait que tu ne dis pas cela pour le vexer ; au contraire, tu veux simplement le soulager d'une chance que tu as, et qu'il n'a pas ;
ou plutôt, qui ne l'intéresse pas.
alors, d'un mouvement vague de la tête, il acquiesce, un brin rêveur.

ses pupilles doucement dilatées croisent les tiennes ; quand il s'en rend enfin compte, il baisse automatiquement le regard,
pas encore assez prêt pour affronter le miroir de ton âme.
un rire doux sort de sa bouche entrouverte – uniquement parce que tu as accepté sa demande.
de toute manière, on ne refuse jamais rien à mathis... il n'a jamais compris pour quelle raison d'ailleurs.
sa gueule d'ange ? peut-être, mais peu importe.
- dehors. l'éclairage ici n'est pas très intéressant.
puis, à tes derniers mots, il se fige,
et regarde droit devant lui, un point vide – intéressant. mais c'est parce que, dans son esprit, ta demande se répète,
encore et encore, jusqu'à ce que ses pommettes prennent de jolies couleurs.
il balbutie :
- si... si tu veux...
tu es déjà armé de ton appareil, alors il appréhende l'instant où tu pointeras ton objectif sur lui.
personne, hormis sa mère, ne l'a jamais pris en photo. parce qu'il n'autorisait que sa mère,

avant toi.

malgré tout,
malgré son enchantement qui naît dans son cœur ; et toutes ses petites micro-expressions qui pourraient trahir sa sérénité auprès de toi,
mathis se fait violence.
parfois il se dit qu'il devrait fuir, peut-être qu'il a le pressentiment qu'il ne devrait pas trop se rapprocher.
mais c'est trop tard, il est en quelque sorte, attiré comme un aimant ; la dernière fois qu'il a ressenti cela,
c'était certainement avec sa plus grande amie ; et pourtant, ils sont tellement différents ensemble – il veut toujours le faire sortir, et il s'obstine à dire toujours non pour la faire râler,
alors qu'elle s'inquiète tout autant que sa mère.

mathis savoure ses dernières gouttes de thé, légèrement plus sucrées que les autres – ayant certainement mal agité sa petite cuillère dans sa tasse.
il réponds vaguement à ton sourire, avec l'ombre d'une risette encore un peu incertaine ; puis il t'observe t'en aller payer.
un pincement dans sa poitrine le prend au dépourvu ; il semble touché que tu veuilles encore l'invité – mais dans le fond, tu as presque insisté à le voir,
et tu lui as aussi menti ; mais ça, il ne le saura jamais.
et même si tu mens,
mathis sait que dans le fond, tu es sincère – de toute manière, les mensonges sont aussi ses propres jokers pour avoir paix et tranquillité.
alors sache, swann, qu'il ne t'en voudra jamais.

dans un élan plutôt discret, il se lève et se dirige dehors, dans le froid ; son béret recouvre ses cheveux clairs comme les blés,
puis il attends sagement ton retour. puis enfin, tu arrives et il marmonne d'une façon enfantine :
- parfois, ça ne sert à rien d'avoir des idées.
on marche sans réfléchir, tout simplement...

il souffle doucement contre le col de sa veste, laissant une nuage de buée virevolter dans l'air glacial.
un rire cristallin résonne. il part en premier, espérant que tu puisses le suivre. et pendant qu'il marche, ses mains se sont emparées de son appareil photo caché dans son sac.
ses pas sont lents, un peu lourds même ; comme s'il voulait arrêter le temps...
après quelques réglages, mathis s'arrête net puis prend en photo des branches d'arbres dénudés, avec pour arrière plan, un ciel d'hiver d'un bleu-gris pastel, orné de touches de coton en guiche de nuages.
après avoir capturer ce premier essai, mathis se retourne soudainement vers toi, observe ton visage paisible qui admire la nature.

ô, alors toi aussi,

tu aimes une telle vue ?
tu apprécies silencieusement, un tel spectacle ?

clic.

tu étais entrain de sourire doucement, alors il a capturé ce doux moment.
mathis regarde la photo, puis une risette enfantine se dessine sur ses lippes. ses paupières aussi, rient de bon cœur.
- j'ai une photo collector de toi maintenant.
il s'empresse de la poster sur la toile ; car comme toujours,

mathis aime partager ses plus beaux souvenirs.